L'église squelettique. (Chapitre 2)


Définir l’église

Bien qu’ ekklēsia soit depuis le tout début un terme séculier, utilisé dans le monde entier, il exprime la suprême revendication de la communauté chrétienne à la face du monde. K. L. Schmidt

Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi votre église fait certaines choses d’une certaine façon, alors que l’église à l’autre bout de la ville fait tout si différemment ? Les églises ont une grande disparité, allant de la musique à leur façon de prêcher, leur manière de construire et leurs approches du leadership. Pourquoi cela ? Certaines de ces choses ont à voir avec les traditions et les coutumes, mais même celles-ci sont souvent guidées par quelques choses de plus basique : la définition de l’église.


Ce que l’église est supposée être et faire dépend de la manière dont vous définissez « l’église ». Mais obtenir une définition de l’église n’est pas aussi simple que de trouver un verset dans la bible, poser une question à son pasteur ou de chercher dans un dictionnaire théologique. Bien que les pasteurs et les théologiens aient souvent des définitions de l’église, ces définitions tendent à être pleines d’idées complexes et de jargon théologique qui requièrent de plus amples explications. Par exemple, on peut lire une définition typique de « l’église » qui dit quelque chose comme ceci :

L’«église » (grec. ekklēsia) est le corps universel des croyants qui fonctionne sous l’autorité de Jésus Christ, qui se réunit régulièrement en assemblées locales pour accomplir la Grande Commission en observant les sacrements du baptême et de la Saint Cène, et en écoutant les prédications de la Parole de Dieu, et tout cela pour l’édification des croyants et l’évangélisation du monde.
C’est difficile d’être en désaccord avec une telle définition, du fait peut-être que la définition est difficile à comprendre. De simples questions en lien avec cette définition révèle combien peu elle spécifie:

• Comment l’église peut-elle être à la fois universelle et locale?
• Qu’est-ce qu’un croyant?
• Qu’est-ce qu’un croyant doit croire et qui va en décider?
• Qu’est-ce que cela signifie pour Jésus-Christ être la tête ?
• Devons-nous oui ou non avoir des pasteurs et des prêtres ?
• Pourquoi est-ce que le baptême et la Sainte Cène sont-ils appelés les sacrements?
• Quel genre de baptême est requis ?
• Comment et quand doit-on être baptisé?
• En quoi consiste exactement la Sainte Cène ?
• Avec quelle fréquence doit-on la prendre ?
• Qui peut prêcher?
• Combien de temps doit durer une prédication?
• Qu’est-ce que cela signifie prêcher « la Parole de Dieu » ?
• Qu’en est-il de la direction de l’église, de l’organisation, du gouvernement de l’église, des dénominations, de notre rôle dans la politique, et de nombreuses autres questions qui sont importantes pour une église lambda ?

Les livres de théologie tentent généralement de répondre à ce genre de questions, et très vite, tenter de comprendre ce qu’est l’église et ce que l’église fait nécessite une connaissance détaillée tirées de dizaines de livres et d’un ou deux diplômes d’études supérieures. Les «bases » de l’église semblent requérir beaucoup d’études et de recherches avancées. Apparemment, les bases ne sont, après tout, pas si basiques que cela.
Comprendre « l’église » n’a pas toujours été si complexe. Le christianisme a commencé assez simplement. Il avait des concepts simples, des structures simples et des croyances simples. Cette simplicité permettait au christianisme de se répandre rapidement et offrait aux premiers chrétiens la liberté et la souplesse de s’adapter à tout peuple et toute culture qu’ils rencontraient.

Cependant avec le temps, alors que l’évangile se propageait et que des adaptations étaient faites, des questions se sont posées quant à savoir quels changements étaient exagérés . Alors que ces questions étaient posées et recevaient des réponses, des traditions ont été établies et des principes furent créés. La simplicité, la créativité et la souplesse étaient abandonnées au profit de la complexité philosophique, du contrôle centralisé, du modèle standardisé. Tout le monde devait vivre de la même façon, croire la même chose, et suivre les mêmes leaders. Après un certain temps, le christianisme est devenu si complexe qu’il a donné lieu à l’émergence d’un mouvement de renouveau, d’un retour à la simplicité. Le mouvement de renouveau était axé sur des croyances et des pratiques simples qui peuvent être rapidement enseignées et apprises. Cela a permis au nouveau mouvement de se propager rapidement, tel que le faisait le christianisme a ses débuts. Mais au fil du temps, ce mouvement de renouveau a acquis ses propres complexités, ses traditions, et ses leaders reconnus, jusqu’à ce qu’il devienne si complexe qu’un nouveau renouveau ainsi qu’un retour à la simplicité étaient nécessaires.



Quand et où ce cycle de renouveau se produisait-il ? Cela s’est produit en fait à de nombreuses reprises au cours des 2000 dernières années. Le cycle de la simplicité à la complexité et du retour à la simplicité survient parfois dans des églises particulières, et d’autres fois dans des mouvements internationaux qui couvrent un siècle ou deux. La plupart des livres honnêtes sur l’histoire de l’église retracent plusieurs de ces cycles de renouveau. Lorsque l’on étudie ces cycles, il devient clair que l’une des choses que tous les mouvements de renouveau ont en commun est l’accent mis sur la liberté. Plus un système religieux devient complexe, plus il asservit les personnes qui y adhérent. Ce qui commence comme une idée novatrice ou une célébration devient une croyance obligatoire ou une tradition qui doit être pratiquée si l’on veut être accepté. Un mouvement de renouveau essaie de se dépouiller de toutes ces exigences humaines et revient au centre, à la liberté et la simplicité. Ceux qui sont impliqués dans ce mouvement croient que les Écritures contiennent peu de détails sur la façon dont fonctionne l’église. En d’autres termes, les Écritures donnent très peu d’instructions quant à savoir quand et où l’église devrait se réunir, ce qu’elle devrait faire quand elle se réunit, comment elle est gouvernée, et une variété d’autres questions qui consument la pensée du chrétien lambda. Les Écritures expliquent, cependant, ce qu’est l’église. Tant que nous comprenons cela, nous pouvons être aussi libres, souples et créatifs que nous le désirons lorsqu’ il s’agit du quoi, quand, où et comment l’église fonctionne. Cette définition simple de l’église sera présentée ci-dessous, puis défendue et clarifiée au cours des trois prochains chapitres.

L’Ekklesia

Définir l’«église» commence par définir ekklesia, le mot grec pour «église». Ce mot signifie littéralement «rassemblement» ou «assemblée». En soi, ce mot n’a aucune connotation spirituelle. Dans la langue grecque, il a été fréquemment utilisé pour désigner tout type de rassemblement, qu’il soit social, politique ou religieux, et même des groupes de personnes qui ne se «se rassemblent » pas vraiment. Puisque ekklesia a diverses significations, comment se fait-il que l’église primitive en soit venue à l’adopter pour décrire les disciples de Jésus en tant que groupe? Certains disent que Jésus a utilisé ce mot Lui-même dans Matthieu 16:18, et donc qu’Il est celui qui a choisi ce mot. Cela est possible, mais il est également probable que Jésus a parlé en hébreu ou en araméen, et dans ce cas, ekklesia est tout de même une traduction de ce que Jésus a réellement dit. Mais même si Jésus lui-même a utilisé le mot ekklesia, nous devons tout de même nous demander pourquoi il a choisi ce mot et non pas un autre qui aurait pu être utilisé pour identifier les disciples de Jésus. Robert Farrar Capon estime que les premiers croyants ainsi que les auteurs du Nouveau Testament ont adopté le mot ekklesia en tant que terme préféré en quatre étapes:

  1. Dans les Écritures hébraïques, deux principaux mots sont utilisés pour référer à la congrégation d’Israël, ou l’assemblée d’Israël, c’est à dire à Israël lui-même en tant que communauté. Ce sont les mots qahal et Edah.
  2. Au cours de la période postexilique, les Écritures hébraïques sont traduites en grec. Cette traduction grecque des Écritures hébraïques est connue sous le nom de la Septante, ou LXX (chiffres romains pour soixante-dix). Bien que l’hébreu soit encore utilisé, la plupart des Juifs de langue grecque et la plupart des païens convertis au judaïsme (et plus tard, au christianisme) ont utilisé la LXX comme moyen privilégié pour lire la Bible hébraïque.
  3. Dans la LXX, deux mots grecs sont généralement utilisés pour traduire Edah et qahal: Edah est généralement traduit par synagogue, et qahal par ekklesia.
  4. Lorsque l’église du début du Nouveau Testament a cherché un mot pour se qualifier elle-même en tant qu’accomplissement de la communauté, de la congrégation, de l’assemblée d’Israël en tant que peuple de Dieu, un choix a dû se faire entre synagogue et ekklesia. Puisque le mot synagogue avait été préempté en devenant le nom d’une institution particulière au sein du judaïsme (la synagogue), il ne leur restait plus qu’ekklesia comme terme pour référer à eux-mêmes en tant qu’accomplissement de la destinée du peuple de Dieu.



Capon a certainement raison concernant la façon dont ekklesia en est arrivé à être le terme choisi, mais pourquoi n’a-t-il jamais été traduit par «église» plutôt que par «rassemblement» ou «assemblée»? Dans l’histoire des débuts de l’église, lorsque le Nouveau Testament a été traduit du grec en latin, il n’y avait pas d’équivalent précis en latin pour ekklesia, c’est pourquoi divers termes ont été proposés. Tertullien utilisait curie («tribunal»), tandis qu’Augustin a écrit la fameuse Civitas Dei («Cité de Dieu »).

Un terme étonnamment couramment utilisé par les divers auteurs grecs était thiase («partie»), qui se réfère généralement à un groupe de fêtards qui défilent dans les rues de la ville avec danse et chant, souvent en l’honneur de Bacchus, le dieu de l’ivresse. Un autre terme latin qui a été utilisé de temps à autre était « cirque », ce qui signifie «cercle» ou «anneau» et était également utilisé pour désigner le lieu où se déroulaient les jeux sanglants et brutaux des gladiateurs de la Rome antique. Pourquoi ce terme a-t-il été utilisé est difficile à comprendre. Est-ce parce les chrétiens étaient souvent la proie des lions et des épées lors de ces jeux? Ou est-ce parce que «les rassemblements d’église » semblaient bruyants et désorganisés pour des observateurs extérieurs, confinant parfois à la frénésie, telle la foule lors des jeux de gladiateurs? Peut-être était-ce l’accent mis dans «l’église» sur le sang de Jésus qui faisait écho aux cris de sang des victimes dans le Colisée.
Le fait est que beaucoup d’antiques écrivains latins n’ont pas su comment traduire ou décrire le terme grec ekklesia, et ils ont utilisé une grande variété de mots. Les termes qu’ils proposaient offrent des indices fascinants quant à la façon dont l’église fonctionnait et était perçue au cours de ses premières années, mais il y a peu de cohérence entre les divers auteurs.

Passons alors au mot anglais «church». D’où vient ce mot? La source la plus probable semble être un dérivé du mot allemand kirche, mot qui à son tour provient de l’adjectif grec kuriakos , « appartenir au Seigneur » (cf. 1 Co 11:20). Cet adjectif grec est un dérivé de kurios («Seigneur») et puisque que les chrétiens se réunissent en général le «Jour du Seigneur», c’est-à-dire le premier jour de la semaine, il était logique de les appeler kuriakos, le peuple du Seigneur. Donc, «chuch» provient probablement de l’allemand Kirche et du grec kuriakos, mais ce n’est pas la vraie traduction d’ ekklesia.


Donc à la fin, il semble préférable de se ranger du côté de ce que Robert Farrar Capon soutient ci-dessus. Les écrivains du Nouveau Testament ont emprunté le mot ekklesia à la Septante, où le peuple d’Israël est souvent désigné en tant qu’ekklesia de Dieu. Les Israélites étaient appelés et rassemblés du monde par Dieu pour accomplir un but spécifique et une tâche particulière. De même également, les auteurs du Nouveau Testament ont estimé que l’ekklesia, le peuple que Dieu a réuni à leur époque, a également été réuni pour une tâche spécifique et dans un but particulier. Quels étaient cette tâche et ce but? C’était le but que Dieu avait donné à Israël, et le but de Jésus pour lequel Jésus a vécu et est mort: être une bénédiction pour le monde, apportant un message de la part de Dieu concernant l’espérance, l’amour, le pardon et la grâce.


Définir l’Église

C’est un long chemin à parcourir pour trouver une définition de l’église. Mais nous avons vu que le mot «église» lui-même n’est pas la meilleure traduction d’ ekklesia, et que le mot ekklesia lui-même est un mot emprunté à l’hébreu, qui décrit Israël en tant que peuple de Dieu sur terre, peuple qu’Il a choisi pour accomplir Sa mission. C’est peut-être alors la meilleure façon de se rapprocher de la définition de «l’église». Non en définissant les mots eux-mêmes, mais en étudiant l’ensemble du déroulement ainsi que la structure de la grande histoire au sein des Écritures. Alors que nous faisons cela, nous pouvons tendre vers une définition de «l’église». Cela devient immédiatement clair que l’église n’est pas un bâtiment, un lieu, une fonction, ou un événement. Il s’agit plutôt d’un rassemblement de personnes regroupées par Dieu. Elles ne sont pas nécessairement rassemblées dans un lieu physique, mais sont réunies spirituellement en Jésus-Christ. Puisqu’elles ont été réunies en Jésus, elles doivent le suivre en faisant ce qu’Il a fait et continue de faire dans le monde. C’est pourquoi Dieu a choisi Israël pour être le peuple de Dieu, et pourquoi Dieu a choisi Jésus pour être à la fois l’apogée et le nouveau départ de la prochaine étape de Dieu dans l’accomplissement de Sa mission sur terre. Donc, une définition concise de l’église se présente comme suit:

L’église est le peuple de Dieu qui suit Jésus dans le monde.

Cette définition correspond à la définition d’ ekklesia et ce qui semble être le plan de Dieu au sein des Écritures et tout au long de l’histoire. C’est ce que Jésus a enseigné à Ses disciples concernant la raison pour laquelle Il est venu et ce qu’Il voulait qu’ils fassent une fois qu’Il est parti. C’est ce que Paul et Pierre ont continué à enseigner et à écrire alors qu’ils allaient dans le monde pour poursuivre la mission de Jésus. C’est ce que presque tout mouvement de renouveau spirituel dans l’histoire soulignait et tentait de retrouver. C’est simple, facile à retenir, et évite le jargon technique et les bagages théologique inhérents à de nombreuses autres définitions. Cette définition peut s’adapter à presque toutes les formes et tous les styles d’église, que ce soit liturgique ou contemporain, méga-église ou église de maison, dénominationnel ou indépendant. Cette définition peut être appliquée à toutes les cultures et tout au long des époques. Cette définition peut s’appliquer à votre église, comme cela sera expliqué dans les trois chapitres suivants.


Jeremy Myers  :  Skeleton Church


Remerciements à Eliane Colard et Nadine Pierre pour les traductions et à Blogdei pour la diffusion.


 Renvois :

 L'église squelettique. Chapitre  1

 L'église squelettique. Chapitre  2

  L'église squelettique. Chapitre 3
 
 L'église squelettique. Chapitre  4
 
 L'église squelettique. Chapitre  5
 
 L'église squelettique. Chapitre  6 


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